Mathématicien spécialiste de la modélisation réduite, Tomas Chacón Rebollo revient sur sa collaboration avec l’I2M, son parcours franco-espagnol et les enjeux d’une recherche appliquée.
Ce qui m’a captivé, c’est la capacité des mathématiques à représenter fidèlement le monde réel
Quelles ont été les raisons qui vous ont poussé à accepter ce poste de professeur invité à Arts et Métiers ?
Cela fait plus de dix ans que nous collaborons avec le Pr. Majdi Azaiez sur la modélisation réduite appliquée aux équations aux dérivées partielles. Nous avons mené de nombreux échanges entre mon laboratoire à l’Université de Séville et l’I2M. Cette invitation s’inscrit dans la continuité de cette collaboration fructueuse et nous permet d’avancer sur plusieurs projets. Les séjours de courte durée sont idéaux : ils me rendent possible de réels progrès scientifiques sans trop m’éloigner de mes responsabilités en Espagne.
Avec le Pr. Azaiez, nous avons commencé à collaborer en 2014, alors que j’étais professeur invité à Paris 6. Présenté par des collègues communs, il m’a proposé de travailler sur la modélisation réduite, une technique que je ne connaissais pas à l’époque et que j’ai trouvée très prometteuse, car elle combine rigueur mathématique et applications pratiques. Depuis, nous avons co-encadré une thèse, publié plusieurs articles ensemble, et organisé des échanges entre nos équipes. C’est une collaboration solide et durable.
Comment vous sentez-vous après un mois depuis votre arrivée ?
Je me sens parfaitement à l’aise. J’ai une longue histoire avec la France : j’y ai fait ma thèse dans les années 1980 et j’y ai vécu environ six ans, dont plusieurs périodes à Bordeaux. Je connais bien la ville, le laboratoire et l’environnement, ce qui rend ce séjour particulièrement agréable.
Selon vous, quel est le principal avantage des collaborations de recherche internationales ? Y a-t-il quelque chose en particulier que vous appréciez dans vos collaborations avec la France ou avec Arts et Métiers ?
Les collaborations internationales sont essentielles pour renouveler les sujets et rester à jour scientifiquement. Travailler toujours au même endroit limite beaucoup la créativité. Arts et Métiers offrent en plus un cadre très favorable : l’administration est simple et efficace, ce qui contraste avec la lourdeur de certaines procédures en Espagne.
Enfin, l’I2M se distingue par ses liens étroits avec l’industrie, ce qui oriente nos recherches vers des problématiques appliquées concrètes. Par exemple, nous travaillons actuellement sur l’optimisation de dispositifs de stockage de chaleur par changement de phase, un problème complexe qui bénéficie de l’apport des modèles réduits.
Qu’est-ce qui a éveillé votre intérêt pour les mathématiques et la modélisation réduite ?
Depuis le lycée, j’aimais les sciences en général et j’ai hésité entre physique et mathématiques. Finalement, j’ai choisi les mathématiques et j’ai fait une thèse à Paris sur la modélisation de la turbulence.
Ce qui m’a captivé, c’est la capacité des mathématiques à représenter fidèlement le monde réel et à prédire le comportement de systèmes complexes. La modélisation réduite est venue plus tard, grâce à ma rencontre avec le Pr. Azaiez, et m’a ouvert de nouvelles perspectives pour résoudre des problèmes d’optimisation et d’ingénierie auparavant inaccessibles.
Quand avez-vous décidé de devenir chercheur ?
Après mes études de mathématiques, j’ai d’abord enseigné un an, puis j’ai choisi de poursuivre en thèse. J’ai obtenu une bourse conjointe des gouvernements français et espagnol, ce qui m’a permis de venir à Paris 6 et de travailler à l’INRIA. C’est à ce moment-là que ma carrière de chercheur a véritablement commencé.
J’aimais l’enseignement, mais je sentais qu’il me manquait quelque chose : la recherche m’a apporté ce complément indispensable.
Quel conseil donneriez-vous aux étudiantes et étudiants intéressés par une carrière dans la recherche, que ce soit dans votre domaine ou dans un autre ?
La recherche est un domaine passionnant, toujours renouvelé : il y a constamment de nouveaux défis à relever. Elle offre aussi une grande richesse humaine, avec la possibilité de voyager, de rencontrer des chercheurs du monde entier et d’échanger des idées. Certes, il est parfois long d’obtenir un poste stable, mais cela vaut la peine. Mon conseil est simple : il faut essayer, car c’est une carrière très motivante et enrichissante.
Merci à la Fondation Arts et Métiers dans son soutien pour l'accueil de professeurs invités
À propos de Tomas Chacón Rebollo

Tomas Chacón Rebollo est mathématicien, spécialiste de l’analyse numérique et de la modélisation appliquée. Il a obtenu sa licence de mathématiques en 1981 en Espagne, avant de poursuivre ses études à l’Université Paris 6. Il y a réalisé un DEA en analyse numérique puis une thèse à l’INRIA de Rocquencourt entre 1982 et 1985, sous la direction d’Olivier Pironneau. Sa thèse portait sur la modélisation mathématique de la turbulence, un sujet au croisement de la théorie et des applications. De retour en Espagne, il a intégré l’Université de Séville, où il a mené toute sa carrière académique.
Il y est aujourd’hui professeur de mathématiques appliquées. Ses travaux portent sur les équations aux dérivées partielles, la simulation numérique et la modélisation réduite. Ses recherches sont étroitement liées à des applications industrielles et à des projets européens. Très impliqué dans la coopération internationale, il collabore activement avec la France, notamment avec l’Université de Bordeaux et Arts et Métiers.